« Je suis tellement fatigué. » Voici les quatre mots qui décrivent le coup de fatigue qui frappe tout le monde à 15 h. Ceux qui composent la rengaine qui vous est tellement familière que vous ne vous apercevez peut‑être même plus de la fréquence à laquelle vous la répétez.
Pourquoi? Qu’est-ce qui vous mène à cet état d’épuisement? La réponse évidente est le manque de sommeil. Toutefois, la simplicité de cette explication peut induire en erreur et sous-entendre que le manque de sommeil est un problème facile à régler. Comme s’il suffisait d’éteindre votre lampe de chevet pour dormir suffisamment et être revigoré le lendemain.
Le fait de se sentir et d’être fatigué est une réalité bien plus complexe en raison des nombreux facteurs à prendre en compte : trafic, conflits d’horaire, engagements personnels, covoiturage, entraînements. Et que dire du souper : faut-il le cuisiner ou le commander au restaurant? Tous ces facteurs drainent votre précieuse énergie.
De surcroît, la lumière artificielle (produite par les appareils desquels tout le monde dépend) allonge les journées de sorte que vous êtes porté à travailler plus tard et donc à rester éveillé plus longtemps. Des recherches viennent confirmer l’existence de cette nouvelle réalité dont les effets sont inquiétants. Une étude récente, menée à l’échelle mondiale, montre que le manque de sommeil nuit aux capacités langagières et au raisonnement – des compétences dont vous avez besoin tous les jours. En fait, les chercheurs ont établi que dormir aussi peu que quatre heures par nuit a des effets équivalant à vieillir de huit ans.
Il peut sembler difficile de changer votre routine, de ralentir votre rythme ou de diminuer le temps passé devant un écran. Commençons donc par quelque chose de simple – la prise de conscience. Il est utile d’approfondir la compréhension que vous avez de votre propre fatigue. Quelle est la cause de cet état? Comment vous sentez‑vous mentalement et physiquement?
Lorsque vous connaissez les caractéristiques de votre propre fatigue, vous êtes en mesure d’évaluer vos besoins et de les combler. Au fil du temps, cette prise de conscience vous aidera à mettre en place des stratégies préventives qui vous éviteront d’éprouver de la fatigue avant qu’elle ne se produise.
Signes et symptômes de fatigue
Pour trouver, il faut savoir ce que l’on cherche. Dans le cas de la fatigue, on guette certains signes et symptômes. (Ce sont des termes similaires, mais il y a une différence.) Les signes sont visibles par des observateurs externes, tandis que les symptômes sont ressentis seulement par la personne elle-même.
Bâiller fréquemment est un signe de fatigue. Un ami peut facilement le constater et vous faire remarquer que vous bâillez sans arrêt, en vous demandant si vous avez assez dormi la veille. Ressentir un manque de clarté mentale est un symptôme, car vous êtes le seul à pouvoir le percevoir.
Voici quelques autres exemples de signes et de symptômes de fatigue :
Signes | Symptômes | |
Émotionnel | irritabilité, sensibilité accrue, anxiété, dépression | anxiété, dépression |
Mental | distraction | manque de concentration, manque de clarté mentale |
Physique | bâillement fréquent,
somnolence involontaire |
maux de tête, fatigue musculaire |
Bien que ces signes et symptômes puissent sembler universels, d’autres seront plus personnels. Il est possible que vous démontriez plus de signes émotionnels que physiques à mesure que votre fatigue augmente. Vous pouvez par exemple vous fâcher contre un ami et vous apercevoir aussitôt que vous avez surréagi. Ou encore éprouver plus de stress ou de désagréments qu’à l’habitude par les petits aléas de la vie. Peut‑être même réagir contre nature, en versant une larme devant une scène touchante.
Les recherches montrent que le manque de sommeil peut causer une sorte de déconnexion dans le cerveau, entraînant la désactivation de la partie du cerveau qui gère les émotions. La défaillance de ces mécanismes de régulation causée par la fatigue peut mener à des réactions irrationnelles, en dépit de bonnes intentions.
Bien que cela ne soit pas particulièrement surprenant, on entend rarement parler de cet aspect intéressant de la fonction du sommeil : vous devez dormir pour vous sentir reposé et en pleine forme physique, certes, mais le sommeil est également nécessaire pour rétablir les connexions cérébrales responsables de vos émotions. Dormir vous prépare donc aux interactions sociales et aux défis du lendemain.
Ne laissez pas la fatigue gâcher votre alimentation
D’autres signes et symptômes personnels peuvent être liés à l’alimentation. Bien que certaines personnes perdent l’appétit, les recherches montrent que le contraire se produit chez la plupart. À mesure que la fatigue s’installe, l’organisme perd graduellement sa capacité à évaluer l’appétit, ce qui peut mener à trop manger.
De plus, en provoquant l’envie d’aliments riches en calories, la fatigue vous incite à opter pour des collations riches en gras. C’est pourquoi les recherches montrent un lien entre l’obésité et le déficit de sommeil.
Il est important de comprendre de quelle manière votre corps et votre esprit réagissent à la fatigue. Elle peut produire sur votre santé physique et mentale des effets négatifs qui, si rien ne change, peuvent entraîner des incidents néfastes pour votre vie sociale ou vous faire développer des habitudes d’excès alimentaires à long terme.
Vous avez maintenant une meilleure compréhension de la manière dont votre propre corps réagit à la fatigue. Changeons maintenant de cap pour nous concentrer davantage sur ces moments où la fatigue commence à se faire sentir.
Besoin d’une sieste? Comment vaincre le « coup de barre » de l’après‑midi?
Il est 15 heures. Votre dîner est digéré et vous êtes au chaud. Le ronronnement émis par votre ordinateur ressemble à une berceuse. Le texte sur votre écran devient flou et vos paupières se ferment doucement une fois… deux fois… puis ah, que vous êtes bien! Pourquoi ne pas garder les yeux fermés juste un instant?
Le vilain coup de barre de l’après‑midi vient de faire à nouveau son apparition. Heureusement, il est possible de l’éviter grâce à quelques trucs tout simples. Essayez-les pour voir s’ils fonctionnent pour vous :
- Prenez un déjeuner riche en protéines. Des études ont montré que les repas (particulièrement le déjeuner) à haute teneur en protéines et en fibres sont associés à une meilleure qualité de sommeil. Essayez de diminuer (ou d’éliminer) la quantité de glucides dans votre déjeuner et de la remplacer par des protéines. Cela favorisera votre sensation de satiété, votre vigilance pendant la journée et votre sommeil la nuit. Voici une idée : laissez tomber le bagel et mangez plutôt un œuf.
- Évitez de consommer de la caféine tard dans la journée. Bien que la caféine présente des avantages, le fait d’en consommer à l’excès peut nuire à votre repos nocturne. Vous pouvez envisager de ne pas boire une deuxième (ou troisième ou quatrième) tasse de café ou de thé à mesure que la journée avance. Si ce n’est pas possible, essayez de réduire la quantité dans chaque tasse de boisson caféinée que vous buvez.
- Emportez des collations saines avec vous. Prenez une collation santé avant de vous sentir fatigué. Un aliment qui contient des protéines, comme des noix, peut vous aider à combler votre appétit et à vous sentir plus alerte. Une autre option pourrait être un aliment croquant et rassasiant comme des carottes, du céleri ou une pomme, accompagné de votre beurre de noix favori. De petites collations fréquentes peuvent tenir la faim éloignée tout au long de la journée. Elles aident également à conserver votre énergie et votre capacité à vous concentrer sur la tâche à accomplir.
Déboulonner les mythes concernant la fatigue
Appuyez‑vous sur des vérités utiles à propos du sommeil. Les renseignements trompeurs ou prêtant à confusion ne manquent pas et il peut être épuisant de tenter de s’y retrouver. N’oubliez pas que c’est exactement la sensation que vous cherchez à éviter!
Voici trois mythes répandus au sujet du sommeil – réfutons chacun d’eux :
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Il faut dormir huit heures par nuit pour être bien reposé.
Faux! Vous avez probablement « huit » à l’esprit comme s’il s’agissait d’un chiffre magique. Nombreux sont ceux qui croient que dormir huit heures représente la solution aux problèmes de somnolence pendant la journée ou de sommeil le soir. Il se peut qu’un sommeil de huit heures vous convienne, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.
Résultat de recherches menées auprès de milliers de participants, cette donnée représente une moyenne. Ce qui signifie que bien des gens se retrouvent d’un côté ou de l’autre. Si, après six heures de sommeil, vous vous sentez reposé et plein d’énergie le lendemain, c’est que vous faites exactement ce dont votre organisme a besoin, ne changez rien. Le même principe est vrai si l’on remplace six par dix. Un problème survient si vous dormez un certain nombre d’heures par nuit – huit heures ou non – et qu’au réveil, vous êtes épuisé ou désorienté.
Morale de l’histoire : ne vous obstinez pas à croire que vous devez absolument dormir huit heures par nuit. Faites vos essais personnels afin de découvrir ce qui vous convient et essayez d’adapter votre routine en conséquence.
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La sieste est un excellent moyen de récupérer le sommeil perdu. Plus la sieste est longue, mieux c’est.
Cette affirmation est à la fois vraie et fausse. S’il est vrai que les siestes peuvent aider à compenser un déficit de sommeil, il y a toutefois une stratégie à suivre concernant le moment de la journée et la durée.
Le Dr W. Chris Winter, neurologue et spécialiste en médecine du sommeil, suggère d’essayer de faire une sieste en matinée ou tôt dans la journée, comme s’il s’agissait d’une extension de la nuit précédente. L’alternative – faire la sieste en après-midi ou plus tard dans la journée – vous prive d’une séance de sommeil plus longue la nuit.
Dans un deuxième temps, réexaminez la durée de vos siestes. Si vous dormez deux heures, il s’agit alors d’une période de sommeil diurne. Prenez plutôt en considération le temps que vous mettez à vous endormir (généralement 10 à 15 minutes) et ajoutez 20 minutes. Programmer une alarme pour 30 à 45 minutes vous donnera le temps nécessaire pour vous endormir et profiter d’une période de repos raisonnable.
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Se mettre au lit en écoutant la télévision aide à s’endormir
Cela peut sembler fonctionner, mais pas pour les bonnes raisons.
Les écrans ainsi que la lumière bleue qu’ils émettent inhibent les processus naturels de l’organisme qui vous aident à vous endormir, notamment la production de mélatonine. Envisagez d’éteindre vos écrans 30 à 90 minutes avant de vous mettre au lit. Si cela semble difficile, essayez seulement 15 minutes et installez un filtre à lumière bleue sur l’écran que vous utilisez (facile à faire sur un téléphone intelligent, un ordinateur ou une tablette).
Il est possible que ce que vous aimez de la télévision pour vous endormir soit le bruit blanc qu’elle émet. Dans ce cas, optez plutôt pour une machine sonore qui ne produit pas de lumière bleue. Ces machines se présentent sous plusieurs formes qui pourraient vous convenir, notamment sous forme d’applications sur un téléphone intelligent. Si ce n’est pas votre style, un simple ventilateur peut faire l’affaire.
Le repos, c’est ce qu’il y a de mieux
Peu importe qui vous êtes ou ce que vous faites, vous avez probablement besoin d’un surcroît de repos. C’est la sensation que procure la vie moderne à la plupart des gens et vous méritez une période de repos plus longue. Vous disposez heureusement des outils pour y arriver.
Maintenant que vous avez examiné les obstacles au repos réparateur et les facteurs de stress qui vous maintiennent dans un état de fatigue, vous comprenez comment mieux vous reposer. Tenez compte de vos habitudes, votre horaire, et vos signes et symptômes de fatigue. Avec un peu de planification et de détermination, vous vous libérerez d’un état de fatigue permanent.
Références
https://www.cdc.gov/media/releases/2016/p0215-enough-sleep.html
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5015038/
Greer SM, Goldstein AN, Walker MP. The impact of sleep deprivation on food desire in the human brain. Nat Commun. 2013; 4: p. 2259.
Ward, A. “Somnology (SLEEP) Part 1 with W. Chris Winter.” Ologies Podcast.
Yoo, S. “The human emotional brain without sleep – a prefrontal amygdala disconnect.” Current Biology. 2007; 17: pp. R877-R878.