Le vocabulaire de la génétique
Les termes « ADN » et « gĂšne » vous sont sans doute familiers. Et peut-ĂȘtre aussi des termes comme « traduction »  et « hĂ©rĂ©ditĂ© » si vous vous y connaissez un peu en gĂ©nĂ©tique, ou mĂȘme « SNP » et « Ă©pigĂ©nĂ©tique » sâil sâagit pour vous dâun domaine dâĂ©tude.
Tant mieux si vous connaissiez ces termes, car le langage de la gĂ©nĂ©tique nâa plus de secret pour vous, mais il nâest jamais mauvais de rafraĂźchir nos connaissances. Si, par contre, il sâagit dâun tout nouveau vocabulaire, il est essentiel dâen comprendre les notions. Câest particuliĂšrement le cas dans ce nouveau monde de soins mĂ©dicaux sur mesure et dâune nutrition personnalisĂ©e. Vos connaissances en  gĂ©nĂ©tique sont appelĂ©es Ă ĂȘtre mises Ă jour rĂ©guliĂšrement.
Voici donc la premiĂšre dâune sĂ©rie en quatre parties â GĂ©nĂ©tique 101. Commençons dâabord par expliquer quelques-uns des termes de base utilisĂ©s en gĂ©nĂ©tique. Ces notions fondamentales vous aideront Ă mesure que nous approfondirons le sujet.
DĂšs que vous aurez acquis le vocabulaire de la gĂ©nĂ©tique, nous passerons Ă la GĂ©nĂ©tique 101 â Principes fondamentaux de lâADN et des gĂšnes. Nous situerons ensuite ce contenu informatif dans le contexte de lâhĂ©rĂ©ditĂ©, de la thĂ©orie de lâĂ©volution et de la gĂ©nĂ©alogie. Pour conclure cette incursion dans le champ de la gĂ©nĂ©tique, nous aborderons la derniĂšre section : « La gĂ©nĂ©tique et votre santé ». Nous publierons un article par mois, ce qui vous donnera une solide comprĂ©hension de la gĂ©nĂ©tique et vous permettra de prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es Ă lâĂ©gard de votre santĂ©.
Commençons par les notions de base.
Terminologie génétique : définitions élémentaires
Avant de voir plus prĂ©cisĂ©ment comment la gĂ©nĂ©tique dĂ©finit chacun de nous, il importe de connaĂźtre les 26 termes les plus souvent utilisĂ©s. Ce faisant, vous pourrez mieux comprendre lâimpact de la gĂ©nĂ©tique sur votre apparence, le mode de fonctionnement de vos cellules, ce qui explique lâapparence et le comportement de vos enfants, ainsi que lâinfluence de la gĂ©nĂ©tique sur votre Ă©tat de santĂ©.
Commençons par la terminologie essentielle de la génétique.
Noyau : Le noyau est Ă proprement parler un organite, câest-Ă -dire une structure autonome Ă lâintĂ©rieur de la cellule. Il contient tout le matĂ©riel gĂ©nĂ©tique hĂ©ritĂ© de vos parents, et câest souvent ce quâon appelle le gĂ©nome ou ADN. La fonction du noyau est de protĂ©ger, dâorganiser et de rĂ©pliquer lâADN au moment de la division cellulaire.
GĂ©nome : Lâensemble de votre matĂ©riel gĂ©nĂ©tique.
ADN : Acronyme dâa cide d Ă©s oxyribon uclĂ©ique, lâADN fait circuler toute lâinformation gĂ©nĂ©tique. HĂ©ritĂ© de vos parents, votre ADN est assemblĂ© dans un ordre prĂ©cis qui dĂ©termine votre apparence physique et le mode de fonctionnement de vos cellules.
NuclĂ©otide ou base nuclĂ©ique : Termes interchangeables qui se reportent Ă chacun des constituants de lâADN et de lâARN. Souvent mentionnĂ©s uniquement par leurs lettres initiales respectives (A, G, C, T), quatre nuclĂ©otides ou bases nuclĂ©iques forment lâADN : adĂ©nine, guanine, cytosine et thymine.
Paire de bases : Sur le plan chimique et molĂ©culaire, lâADN est une molĂ©cule Ă deux brins (ou bicatĂ©naire). Bien quâidentiques, les brins formant lâADN sont dits antiparallĂšles car ils vont en sens contraire (par analogie, lâun va de A Ă Z et lâautre de Z Ă A).
Chaque brin est reliĂ© Ă lâautre par une sĂ©rie particuliĂšre de liaisons chimiques relativement faibles, en fait des liaisons hydrogĂšnes ressemblant un peu Ă du velcro qui peut sâattacher ou se sĂ©parer au besoin.
Fait important, une base ne peut sâapparier quâĂ une seule autre base qui lui est complĂ©mentaire (par exemple, lâadĂ©nine Ă la guanine et inversement, de mĂȘme pour la cytosine et la thymine. Ces appariements A-G et C-T sâappellent des paires de base et la rĂšgle qui les rĂ©git est importante, car elle est primordiale pour la reproduction et la division cellulaire.
Chromosome : Assemblage de lâADN le plus commun dans le noyau, le chromosome organise la masse de lâADN en structures dĂ©finies et Ă©troitement condensĂ©es qui aident Ă lâordonner et le protĂ©ger. Le nombre de chromosomes varie selon les organismes, certains nâen comptant quâun seul et dâautres, quelques centaines et mĂȘme jusquâĂ 10 000. LâĂȘtre humain possĂšde 23 paires de chromosomes, soit 46.
GĂšne : Autre sous-organisation de votre matĂ©riel gĂ©nĂ©tique, le gĂšne est un petit Ă©lĂ©ment modeste de lâADN. Par analogie, alors que lâADN est un livre, les gĂšnes en sont les chapitres. Chaque Ă©lĂ©ment dâADN (gĂšne) ordonne Ă une cellule de fabriquer une protĂ©ine ou une enzyme. Il lui indique plus prĂ©cisĂ©ment dâassembler des acides aminĂ©s pour constituer une structure protĂ©inique ou enzymatique en trois dimensions. LâĂȘtre humain compte entre 20 000 et 25 000 gĂšnes.
Expression gĂ©nĂ©tique (ou gĂ©nique) : Ă lâintĂ©rieur ou autour dâun gĂšne, le plus souvent lĂ oĂč il commence, se trouvent des sĂ©quences particuliĂšres dâADN chargĂ©es dâactiver ou de dĂ©sactiver  un gĂšne (un peu comme un interrupteur). Des gĂšnes peuvent ĂȘtre actifs en tout temps et leurs produits (protĂ©ines ou enzymes) sont toujours fabriquĂ©s de façon gĂ©nĂ©ralement lente et constante. Lâexpression gĂ©nĂ©tique comporte deux processus importants : la lecture du gĂšne (transcription) et la fabrication dâune protĂ©ine (traduction).
Transcription : Processus au cours duquel la cellule prend connaissance du contenu informatif du gĂšne. Câest un message aussitĂŽt copiĂ© dans une molĂ©cule dâARN messager et transmis Ă partir du noyau Ă dâautres parties de la cellule.  Â
ARN : Acronyme de lâa cide r ibon uclĂ©ique, celui-ci ayant une similitude chimique avec lâADN. MaĂźtre messager, lâARN relaie de courtes bribes dâinformation contenues dans lâADN (gĂšne) vers dâautres sites cellulaires. Il permet plus prĂ©cisĂ©ment Ă ces messages de se transformer en unitĂ©s fonctionnelles de la cellule â les protĂ©ines et enzymes. Lâinformation contenue dans lâARN est segmentĂ©e en sĂ©quences de trois nuclĂ©otides appelĂ©es codons.
Codon : Une sĂ©quence de trois nuclĂ©otides dans une molĂ©cule dâARN. Lâordre des trois nuclĂ©otides dĂ©termine le code dâun acide aminĂ© donnĂ©. DĂšs que les codons dans lâARN sont lus, la cellule se met Ă assembler des chaĂźnes dâacides aminĂ©s â les Ă©lĂ©ments constituants des  protĂ©ines et enzymes. Câest ce quâon appelle le processus de la traduction.
Traduction : Processus par lequel la cellule transforme la molĂ©cule dâARN messager en protĂ©ine ou enzyme.
ProtĂ©ine ou enzyme : Termes souvent interchangeables dĂ©crivant une chaĂźne dâacides aminĂ©s chimiquement liĂ©s. DĂšs quâils se sont liĂ©s, ces acides se replient sur eux-mĂȘmes pour former les produits fonctionnels finals souvent appelĂ©s protĂ©ines ou enzymes. MĂȘme si toutes les  enzymes sont des protĂ©ines, lâinverse nâest pas vrai. Par convention, les scientifiques parlent dâune protĂ©ine si elle exerce une fonction statique ou structurelle dans la cellule et dâune enzyme sâil sâagit dâune protĂ©ine qui y exerce une activitĂ© (comme celle de transformer la nourriture en Ă©nergie).
RĂ©plication de lâADN : Production dâune copie identique dâun ADN. Au moment de sa division, la cellule doit copier (rĂ©pliquer) son ADN. En fait, un peu comme du velcro, les liaisons hydrogĂšnes peuvent alors se sĂ©parer, une chaĂźne demeurant dans la cellule initiale et lâautre passant dans la nouvelle cellule. En raison de la rĂšgle rĂ©gissant lâappariement des nuclĂ©otides, (un rappel : A avec G et C avec T) chaque cellule peut reproduire la chaĂźne antiparallĂšle manquante. La double chaĂźne dâADN est ainsi formĂ©e Ă nouveau, un processus qui peut se rĂ©pĂ©ter aussi souvent que la division cellulaire est possible.Â
HĂ©rĂ©ditĂ© : Transmission de lâinformation gĂ©nĂ©tique Ă la gĂ©nĂ©ration suivante.
Phénotype : Ensemble des traits physiquement observables en fonction de la séquence de vos  gÚnes (génotype), par exemple, votre apparence et votre comportement.
GĂ©notype : La sĂ©quence dâADN de vos gĂšnes.Â
GĂšne dominant : En cas de lutte entre un gĂšne dominant et un gĂšne rĂ©cessif pour lâexpression gĂ©nĂ©tique, le gĂšne dominant lâemporte. Ă titre dâexemple, lâenfant dont les parents ont respectivement les yeux bruns (gĂšne dominant) et les yeux bleus (gĂšne rĂ©cessif) aura les yeux bruns â  ce gĂšne Ă©tant dominant.Â
GĂšne rĂ©cessif : En prĂ©sence dâun gĂšne dominant, un gĂšne rĂ©cessif ne sâexprime pas. Par contre, comme il existe deux copies dâun mĂȘme gĂšne, si toutes deux sont rĂ©cessives, il peut y avoir expression dâun trait rĂ©cessif. Un enfant aura les yeux bleus si les deux copies des gĂšnes hĂ©ritĂ©s de ses parents dĂ©signent des yeux bleus.
PloĂŻdie : Nombre de chromosomes ou de paires dâADN dans un organisme.
DiploĂŻdie : « Di » (prĂ©fixe pour « deux ») indique quâune cellule dite diploĂŻde possĂšde les deux copies de son ADN. Câest lâĂ©tat normal de la plupart de vos cellules et de la double chaĂźne dâADN. La diploĂŻdie est lâĂ©tat dans lequel doit se trouver la cellule en vue de sa division et de sa rĂ©plication.
HaploĂŻdie : « Ha » (prĂ©fixe pour « demi ») indique quâune cellule dite haploĂŻde ne possĂšde que la moitiĂ© de ses copies dâADN (câest-Ă -dire une seule). Une cellule haploĂŻde tend Ă ĂȘtre une cellule reproductrice comme celle du sperme ou de lâĆuf (ovule). Câest un fait important car lorsquâil y a fusion entre les deux (fertilisation), lâunique copie dâADN de lâun se combine Ă nouveau Ă la copie de lâautre pour crĂ©er un gĂ©nome diploĂŻde complet. Cette nouvelle cellule devenue diploĂŻde peut dĂšs lors amorcer sa croissance et sa division.
ĂpigĂ©nĂ©tique : ComposĂ© dâun certain nombre de signaux chimiques, câest un genre de deuxiĂšme code gĂ©nĂ©tique au-dessus de la sĂ©quence dâADN initiale. Bon nombre de signaux chimiques peuvent modifier votre sĂ©quence dâADN ou les structures qui lâorganisent dans le noyau cellulaire. En fonction des modifications chimiques prĂ©cises qui se produisent, les gĂšnes peuvent ĂȘtre activĂ©s ou dĂ©sactivĂ©s.
Fait intĂ©ressant, votre rĂ©gime alimentaire et votre style de vie influent trĂšs nettement sur ce code chimique (Ă©pigĂ©nome) et le mode de rĂ©gulation de vos gĂšnes. On a Ă©galement montrĂ© que le code Ă©pigĂ©nĂ©tique est lui aussi fortement hĂ©rĂ©ditaire. Le mode de vie de vos parents et mĂȘme de vos grands-parents influe sur le mode dâexpression de vos gĂšnes, tandis que votre façon de vivre aura des effets sur lâexpression des gĂšnes de vos enfants.
Il semble que lâĂ©pigĂ©nome soit en bonne partie responsable de lâĂ©tat de santĂ© â bon ou mauvais â de la gĂ©nĂ©ration suivante. Par exemple, des parents minces et en santĂ© tendent Ă avoir des enfants qui le sont aussi, tandis que les enfants de parents atteints dâune maladie courent un risque accru de souffrir de la mĂȘme maladie plus tard.
Mutation : Modification de la sĂ©quence dâADN originale qui peut se produire au cours de divers processus : exposition Ă des agents chimiques environnementaux, rĂ©plication inadĂ©quate dâADN, cassure ou lĂ©sion physique subie par lâADN.
Une mutation finit toujours par influer sur le fonctionnement de la structure protĂ©inique ou enzymatique faisant lâobjet dâun codage. Les effets dâune mutation sur la cellule peuvent ĂȘtre multiformes â un effet peut ĂȘtre nul, bĂ©nĂ©fique ou prĂ©judiciable. On qualifie de silencieuse la mutation qui, en dĂ©finitive, ne modifie pas la structure ou la fonction dâune protĂ©ine.
Une mutation bĂ©nĂ©fique assure Ă une cellule ou un organisme un meilleur fonctionnement ou taux de survie. Câest ce qui est souvent reconnu comme le fondement mĂȘme de lâĂ©volution ou de la survie du plus fort. Lorsquâune mutation est prĂ©judiciable, la modification de la sĂ©quence dâADN originale a des effets nĂ©gatifs sur la structure ou le fonctionnement dâune protĂ©ine, ce qui peut entraĂźner de graves consĂ©quences pour la fonction cellulaire. Si lâimpact nĂ©gatif dâune mutation touche un site essentiel du gĂšne, le fonctionnement de la protĂ©ine sera gravement compromis et la survie sera rĂ©duite. Certaines mutations nĂ©gatives dans des gĂšnes ou protĂ©ines clĂ©s peuvent mener au cancer.
Cancer : Une maladie dĂ©finie par une division cellulaire incontrĂŽlĂ©e. En temps normal, la cellule exerce un contrĂŽle serrĂ© sur tout processus amorçant ou mettant fin Ă une division cellulaire. Un processus peut cependant ĂȘtre perturbĂ© par une mutation, une exposition Ă des agents chimiques environnementaux, une lĂ©sion physique, etc. Il importe de retenir que toutes les mutations ne causent pas le cancer et que tous les cancers ne sont pas la consĂ©quence dâune mutation. En bout de ligne, une division cellulaire incontrĂŽlĂ©e peut entraĂźner une accumulation de cellules anormales formant une masse appelĂ©e tumeur. La dĂ©faillance dâun tissu ou dâun organe peut sâensuivre lorsque la tumeur altĂšre leur fonctionnement, avec comme consĂ©quence la mort.Â
SNP (Polymorphisme nuclĂ©otidique) : Une mutation survenue dans un seul nuclĂ©otide de lâADN. Comme il sâagit dâune lĂ©gĂšre mutation dans un gĂšne, le polymorphisme nuclĂ©otidique (ou SNP) tend Ă ĂȘtre une mutation silencieuse entraĂźnant rarement un cancer. Par contre, si le SNP se produit dans un site essentiel du gĂšne, il peut avoir un effet positif ou nĂ©gatif sur le fonctionnement des protĂ©ines. Gagnant en popularitĂ© dans les domaines de la science et de la mĂ©decine, le SNP peut notamment servir Ă diagnostiquer des carences mĂ©taboliques ou Ă dĂ©terminer la rĂ©ponse potentielle dâun patient Ă certains mĂ©dicaments.
Notions de base sur lâADN et les gĂšnes
Voici la deuxiĂšme dâune sĂ©rie en quatre parties â GĂ©nĂ©tique 101. Si vous avez manquĂ© la premiĂšre partie, il serait bon dâaller lire GĂ©nĂ©tique 101 â Le vocabulaire de la gĂ©nĂ©tique pour commencer. Il sera plus facile de lire l’article qui suit et d’approfondir le sujet aprĂšs avoir pris connaissance de la terminologie essentielle.
La gĂ©nĂ©tique est Ă la fois simple et complexe. Commençons par une dĂ©finition. Selon le dictionnaire Merriam-Webster, la gĂ©nĂ©tique est « une branche de la biologie qui traite de lâhĂ©rĂ©ditĂ© et des variations parmi les organismes » ainsi que « des compositions et des phĂ©nomĂšnes gĂ©nĂ©tiques qui concernent un organisme, un type, un groupe ou un Ă©tat en particulier ».
En dâautres termes, la gĂ©nĂ©tique est lâĂ©tude de ce qui fait que lâon est Ă la fois humain et unique, et cela grĂące Ă lâADN. En fait, tous les organismes vivants sur Terre contiennent de lâADN. Câest ce qui fait quâune bactĂ©rie est une bactĂ©rie, quâun oiseau est un oiseau et que nous sommes des humains.
Lâunique fonction de lâADN est de stocker de lâinformation et de la transmettre
Pour bon nombre de gens, lâADN est un Ă©lĂ©ment fluide, dynamique et toujours en mouvement. En fait, lâADN est une molĂ©cule statique et stable. MĂȘme aprĂšs des dizaines de milliers dâannĂ©es, il est possible de prĂ©lever de lâADN dans des outils de pierre ou Ă lâintĂ©rieur dâossements anciens, par exemple, afin de lâĂ©tudier.
Pour comprendre le rĂŽle de lâADN, pensons par analogie aux plans dâune maison. Ils renferment une grande quantitĂ© dâinformation, mais ils ne peuvent pas construire la maison par eux-mĂȘmes. Ă cette fin, il faut une Ă©quipe coordonnĂ©e de travailleurs intelligents, capables de suivre les instructions contenues dans les plans. LâĂ©quipe se compose dâun ingĂ©nieur qui sait lire les plans, de contremaĂźtres qui dirigent les travailleurs et dâouvriers qui assemblent le tout.
LâADN ne fait que stocker lâinformation et la communiquer Ă la cellule. On peut donc le concevoir comme le plan de lâorganisme Ă lâintention des cellules.
LâADN est une trĂšs grosse molĂ©cule
LâADN est le matĂ©riel gĂ©nĂ©tique contenu dans tous les noyaux de lâorganisme. Et mĂȘme si les cellules nâont pas toutes un noyau â alors que certaines en ont plus dâun â tous les noyaux possĂšdent une sĂ©quence complĂšte dâADN.
Chaque noyau renferme lâADN sous la forme dâune molĂ©cule unique Ă double brin. TrĂšs grosse molĂ©cule, lâADN humain est composĂ© de deux Ă trois milliards de bases. Pour vous donner une idĂ©e, si lâon retirait lâADN dâun noyau de lâorganisme et quâon lâĂ©tirait sur une table, il ferait entre un et deux mĂštres de longueur.
Une autre façon dâillustrer la taille de lâADN est dâestimer sa masse totale. Si on multiplie par deux la masse moyenne dâun seul nuclĂ©otide (pour tenir compte du double brin), puis par deux ou trois milliards (le nombre total de bases dans lâADN), on obtient dĂ©jĂ un chiffre Ă©levĂ©, mais ce nâest pas tout. On doit ensuite le multiplier par le nombre de noyaux (ou de cellules contenant un noyau) afin dâobtenir la masse totale dâADN dans lâorganisme humain.
Le nombre total se situe approximativement entre 5 grammes (environ le poids dâune feuille de papier) et 50 grammes (environ celui dâun Ćuf de poule). C’est lĂ une grande quantitĂ© dâADN.
Câest Ă©galement dire Ă quel point lâADN est stockĂ© de maniĂšre compacte Ă lâintĂ©rieur des cellules. Difficile Ă croire quâune molĂ©cule si grosse puisse avoir un contenant si microscopique!
LâADN est organisĂ© de maniĂšre Ă©laborĂ©e et complexe dans le noyau
Notre organisme se compose de plusieurs milliers de milliards de cellules (environ 50 milliers de milliards pour ĂȘtre prĂ©cis). Ă lâexception de certaines cellules du sang, environ 75 % d’entre elles ont au moins un noyau. Ă lâintĂ©rieur de chacun de ces noyaux se retrouve une copie complĂšte de lâADN de notre organisme.
Comment cela est-il possible? Essentiellement, lâADN est rassemblĂ© en un nĆud trĂšs serrĂ©, enroulĂ© et repliĂ© sur lui-mĂȘme de nombreuses fois. Ce nĆud dâADN est Ă©galement trĂšs organisĂ© et il peut ĂȘtre (du moins partiellement) dĂ©liĂ© lorsquâil est nĂ©cessaire dâaccĂ©der Ă lâinformation quâil contient.
La cellule demande lâinformation contenue dans lâADN en le modifiant â ainsi que les protĂ©ines associĂ©es Ă lâADN et qui contribuent Ă lâorganiser â Ă lâaide de signaux chimiques spĂ©cifiques. Certains de ces signaux ne durent quâun court laps de temps tandis que dâautres se transmettent dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre. Ces signaux chimiques constituent le code Ă©pigĂ©nĂ©tique.
Les cellules rĂ©gulent lâactivation des gĂšnes grĂące Ă ce code Ă©pigĂ©nĂ©tique. Câest Ă©galement ce qui confĂšre Ă chacun des types de cellules leur caractĂšre unique. Bien que toutes les cellules contiennent une copie complĂšte de lâADN, elles activent uniquement les parties de lâADN dont elles ont besoin et dĂ©sactivent les autres. Par exemple, les neurones nâactivent que lâADN nĂ©cessaire aux neurones, les cellules du foie nâactivent que lâADN nĂ©cessaire aux cellules du foie, les cellules de la peau nâactivent que lâADN nĂ©cessaire aux cellules de la peau.
LâADN contient lâinformation qui permet aux cellules de synthĂ©tiser les protĂ©ines
Comment lâADN fait-il pour dire aux cellules ce quâelles doivent fabriquer?
LâADN est constituĂ© de quatre composants appelĂ©s des bases â lâa dĂ©nine, la t hymine, la g uanine et la c ytosine (A, T, G et C, respectivement). Le plus extraordinaire dans tout ça, câest que ces quatre bases se rĂ©pĂštent sans cesse, mais dans un ordre unique qui confĂšre Ă chaque personne son individualitĂ©. Ces bases (A, T, G, C) sont en fait responsables de tout ce que nous sommes : notre taille, notre apparence, nos capacitĂ©s athlĂ©tiques, en plus du fonctionnement de nos cellules, de nos tissus et de nos organes.
Comment cela est-il possible?
La maniĂšre la plus simple de concevoir le principe, c’est de le comparer avec les mots qui se trouvent sur cette page. Ceux-ci sont tous formĂ©s Ă partir de lâorganisation des lettres de lâalphabet. Il se trouve que « lâalphabet de lâADN » est composĂ© de seulement quatre lettres : A, T, G et C. Lorsque ces quatre lettres ou bases sont placĂ©es dans un ordre prĂ©cis, elles forment des mots â ou des instructions â qui indiquent aux cellules les protĂ©ines Ă fabriquer. Il peut sâagir de protĂ©ines structurelles qui contribuent au maintien de la forme de la cellule, ou encore dâenzymes â des protĂ©ines qui travaillent au sein des cellules.
Autre fait Ă©tonnant : tous les mots du « dictionnaire de lâADN » se composent de seulement trois lettres â ou bases. On appelle codons ces mots de trois lettres. Ă mesure quâelle lit les codons, la cellule sait prĂ©cisĂ©ment quels acides aminĂ©s (les composants des protĂ©ines) elle doit assembler, en quelle quantitĂ© et dans quel ordre.
Certains codons signalent le dĂ©but ou la fin des instructions. Par exemple, la fabrication de certaines protĂ©ines ne nĂ©cessite que 500 bases, alors que dâautres peuvent atteindre une longueur de 2,2 millions de bases. Un message de 500 bases se compose dâenviron 166 codons et la protĂ©ine est constituĂ©e dâenviron 55 acides aminĂ©s. La protĂ©ine complexe dont les instructions atteignent 2,2 millions de bases, donc 733 333 codons, est constituĂ©e dâenviron 244 444 acides aminĂ©s.
Les gĂšnes sont des segments dĂ©finis dâADN qui contiennent les instructions pour fabriquer des protĂ©ines
Le gĂšne est, par dĂ©finition, lâunitĂ© physique et fonctionnelle de lâADN. Il ne fait rien de plus que de fournir les instructions pour fabriquer une ou plusieurs protĂ©ines. Comme nous l’avons dĂ©jĂ indiquĂ©, il y a des signaux de dĂ©but et de fin dans lâADN. En termes simples, les gĂšnes sont ce qui se retrouve entre ces signaux.
On estime Ă 25 000 le nombre de gĂšnes contenu dans lâADN humain. Les estimations en ce qui concerne le nombre de protĂ©ines diffĂ©rentes dans lâorganisme humain varient beaucoup, mais on le situe entre 100 000 et plus de 1 000 000. Comme ces nombres ne concordent pas parfaitement, cela signifie quâun gĂšne peut coder pour une seule protĂ©ine ou plusieurs â jusquâĂ une centaine.
ADN, ARN, protéine : transcription et traduction
On peut concevoir le code des codons comme une langue Ă©trangĂšre. Câest la langue quâutilisent les cellules pour lire lâADN afin de pouvoir synthĂ©tiser des protĂ©ines. En fait, les gĂ©nĂ©ticiens nomment ces processus « transcription et traduction » â des termes similaires Ă ceux utilisĂ©s pour dĂ©crire les langues humaines.
Allons voir de plus prĂšs la façon exacte dont la cellule lit lâADN.
Dans la fabrication des protĂ©ines, lâordre est important : 1) ADN, 2) ARN et 3) protĂ©ine.
Comme nous lâavons prĂ©cisĂ© au dĂ©but, lâADN est une molĂ©cule statique, condensĂ©e en un nĆud serrĂ© Ă lâintĂ©rieur du noyau. Comme la synthĂšse des protĂ©ines nĂ©cessite de lâespace, les cellules ne peuvent pas les fabriquer Ă lâintĂ©rieur du noyau. Le processus a donc lieu dans lâespace cellulaire Ă lâextĂ©rieur du noyau.
Alors, de quelle maniĂšre lâinformation sort-elle du noyau?
Il existe une molĂ©cule Ă©troitement liĂ©e Ă lâADN qui se nomme lâARN (acide ribonuclĂ©ique). Une enzyme spĂ©ciale (appelĂ©e ARN polymĂ©rase) sillonne la molĂ©cule dâADN Ă la recherche du codon dâ« initiation » qui indique le dĂ©but du gĂšne. Lâenzyme circule ensuite le long de lâADN et transcrit en ARN le message de lâADN. On appelle ce processus la transcription. Lâenzyme cesse de fabriquer la molĂ©cule dâARN lorsquâelle atteint le codon dâ« arrĂȘt ».
La nouvelle molĂ©cule dâARN sort ensuite du noyau. Le ribosome, qui se spĂ©cialise dans la traduction des messages de lâARN en sĂ©quences dâacides aminĂ©s (protĂ©ines), vient immĂ©diatement Ă sa rencontre. Il parcourt la molĂ©cule dâARN, un codon Ă la fois, et signale Ă la cellule quels sont les prochains acides aminĂ©s qui doivent ĂȘtre ajoutĂ©s Ă la sĂ©quence.
Par exemple, le codon T-T-A est le « mot » pour leucine. Le codon A-G-A code pour lâarginine. Le codon G-C-G correspond Ă lâalanine. En fait, il existe au moins un codon pour chacun des acides aminĂ©s nĂ©cessaires Ă la synthĂšse des protĂ©ines et des enzymes dont lâorganisme a besoin.
Ă mesure que la chaĂźne dâacides aminĂ©s sâallonge, elle commence Ă se replier sur elle-mĂȘme pour adopter sa forme tridimensionnelle finale. Lorsque le dernier acide aminĂ© a Ă©tĂ© ajoutĂ©, la nouvelle protĂ©ine se dĂ©tache du ribosome et se dirige vers sa destination finale. Le ribosome libĂšre alors la molĂ©cule dâARN et en cherche une nouvelle Ă traduire.
Nous avons beaucoup de traits en commun avec la banane
Depuis que le gĂ©nome humain a Ă©tĂ© sĂ©quencĂ© en 2003, les scientifiques s’appliquent Ă le dĂ©chiffrer. Au dĂ©part, on croyait que dâimmenses avancĂ©es en science et en mĂ©decine seraient rĂ©alisĂ©es lorsque lâon connaĂźtrait lâordre de toutes les bases contenues dans lâADN humain.
Maintenant, bien des annĂ©es plus tard, il semble qu’il en soit rĂ©sultĂ© plus de questions que de rĂ©ponses. Voici pourquoi : il est littĂ©ralement impossible de distinguer les humains par leur gĂ©nome. Nous avons tous littĂ©ralement les mĂȘmes gĂšnes. Bien sĂ»r, certaines rĂ©gions sont uniques Ă chacun â comme les empreintes digitales â mais tout comme il est impossible de connaĂźtre la race, la taille ou le poids dâune personne (ou la plupart de ses informations personnelles, en fait) par ses empreintes digitales, il est Ă©galement impossible de les connaĂźtre au moyen de lâADN.
Pourquoi donc?
Pour commencer, les humains partagent plus de 99 % de leurs gĂšnes. Câest seulement le 1 % restant qui fait leur individualitĂ©.
On estime que si lâon publiait notre gĂ©nome sous forme de livre, il se composerait dâenviron 262 000 pages, dont seulement 500 seraient uniques Ă chacun. Câest dire Ă quel point les humains se ressemblent.
Nous sommes Ă©galement trĂšs semblables Ă bon nombre dâespĂšces qui semblent pourtant Ă©loignĂ©es. Par exemple, les humains sont proches sur le plan gĂ©nĂ©tique :
des chimpanzés à 96 %
des chats Ă 90Â %
des souris Ă 85Â %
des vaches Ă 80Â %
des mouches Ă fruits Ă 61Â %
des poulets Ă 60Â %
Nous sommes mĂȘme 60 % gĂ©nĂ©tiquement semblables aux bananes!
Comment est-ce possible?
Il se trouve quâau niveau cellulaire, les cellules dâune grande variĂ©tĂ© dâespĂšces ont besoin des mĂȘmes gĂšnes et des mĂȘmes protĂ©ines de base pour fonctionner. Ce nâest quâĂ un niveau Ă©levĂ© de spĂ©cialisation quâune cellule ou quâun organisme a rĂ©ellement besoin de protĂ©ines et de gĂšnes nouveaux et diffĂ©rents.
Autrement dit, lâADN nâest que le point de dĂ©part de ce qui nous confĂšre nos caractĂ©ristiques uniques dâĂȘtre humain. De toute Ă©vidence, de nombreux autres facteurs entrent en jeu.
Quâest-ce qui fait que chaque personne est unique et quâil y a autant de diversitĂ© au sein de la population humaine? Vous le saurez dans le prochain article de cette sĂ©rie : GĂ©nĂ©tique 101 â LâhĂ©rĂ©ditĂ©, la thĂ©orie de lâĂ©volution et la gĂ©nĂ©alogie.