L’entretien de votre jardin intestinal – comment nourrir le microbiote de votre tube digestif
Vous êtes un jardinier – même sans avoir le pouce vert par lequel on le reconnaît. Vous n’avez peut-être jamais fait de semailles ou de cultures dont vous avez vu l’éclosion, mais vous n’en demeurez pas moins un jardinier, en quelque sorte. En fait, votre tube digestif constitue une sorte de jardin et votre régime alimentaire lui sert à la fois de terreau et de fertilisant.
Ce que vous semez dans votre jardin influe sur votre microbiote (l’ensemble des microbes qui y croissent). Pour être plus précis, le mélange de fibres, protéines, glucides, lipides et micronutriments qui compose votre régime alimentaire détermine les possibilités de floraison de votre microbiome.
Ces résidents microscopiques de votre intestin comprennent les champignons, virus, levures et autre micro-organismes, bien que les bactéries constituent les principaux éléments de votre flore intestinale. En raison de leur courte durée de vie, les bactéries peuvent s’adapter rapidement aux changements environnementaux. Elles peuvent aussi emprunter du matériel génétique de la flore intestinale avoisinante, ce qui peut être bénéfique à la fois pour les bactéries elles-mêmes et pour l’hôte qui les héberge (en l’occurrence, votre organisme).
Ces caractéristiques expliquent l’effet marqué des bactéries sur la santé humaine et l’importance de comprendre comment votre régime alimentaire entretient la santé et la diversité des bactéries, ainsi que du reste de votre flore intestinale.
L’origine de la flore intestinale
Les bactéries aujourd’hui présentes dans votre intestin n’y étaient pas à votre naissance. Elles se sont développées dans les premières années de votre vie, étant définies d’abord par le mode d’accouchement. Les bactéries qui domineront dans votre intestin au départ varieront, selon que l’accouchement a été fait par césarienne ou par voie vaginale. Par la suite, le profil bactérien initial de votre intestin se formera en fonction de votre mode d’alimentation.
Des études portant sur le lait maternel illustrent le rôle et l’importance du microbiote intestinal. Au début, les chercheurs comprenaient mal pourquoi ce lait renfermait des glucides aussi complexes. Il s’agit en fait de molécules reconnues comme indigestes pour les nourrissons qui n’ont pas les enzymes nécessaires pour les traiter. Les premières études ont cependant révélé que ces glucides complexes sont présents dans le lait maternel pour nourrir le microbiote intestinal du bébé et non le bébé lui-même.
Le jardin intestinal prend forme à ce stade précoce de la vie et le lait maternel agit comme terreau fertile qui nourrit ces bactéries internes, créant une symbiose entre les bactéries et le nourrisson. En se développant, les bactéries protègent la paroi intestinale du bébé, un processus dont l’importance pour la santé immunitaire et l’absorption des nutriments ne se dément jamais – même à l’âge adulte. La prolifération des bactéries bénéfiques leur permet de l’emporter sur les pathogènes potentiels et de décomposer les glucides complexes en éléments digestibles.
Au deuxième anniversaire du bébé, le profil du microbiome est presque établi. Dès lors, on retrouve certaines bactéries dans la microflore intestinale, malgré les différences liées à la flore, au style de vie, à la génétique et à l’anatomie.
Les types les plus répandus de bactéries dans l’intestin humain sont de l’ordre des firmicutes, bactéroïdètes, actinobactéries et protéobactéries, du genre phyla. Ces phyla (un classement biologique) englobent des espèces bactériennes aux noms sans doute familiers, par exemple les lactobacilles, prevotella, bifidobactéries et H. pylori.
Bien que des efforts concertés aient été consacrés à une analyse approfondie du microbiome humain, d’autres études s’imposent pour établir le profil du microbiome optimal. Malgré l’absence de réponses définitives, une conclusion valable peut être tirée.
La diversité de la microflore est une caractéristique confirmée d’un intestin en santé. Des communautés bactériennes diversifiées tendent à être plus résilientes et mieux armées pour contrer l’invasion de pathogènes potentiels qui tentent d’occuper l’espace. Lorsque le microbiote intestinal est riche en bonnes bactéries diversifiées, les mauvais éléments ne disposent pas d’espaces vides où élire domicile.
Cette lutte pour l’espace et les ressources est incessante et le rôle que vous y jouez est très important. En votre qualité de jardinier, vous contrôlez le terreau et le fertilisant qui déterminent quels composants croîtront le mieux. C’est ici qu’interviennent vos choix alimentaires.
L’influence du régime alimentaire sur le microbiome intestinal
La recherche indique que les différences dans le profil microbien sont fonction du contenu du régime alimentaire. La recherche explique aussi les différences entre l’alimentation par le lait maternel en comparaison d’une formule pour nourrisson. Par conséquent, le profil bactérien lié à un régime alimentaire riche en fruits et légumes (à plus forte teneur en fibres) différera de celui lié à une alimentation riche en protéines et en gras de source animale, ou en glucides simples et transformés.
Quel sorte de terreau alimentaire vous permettra de cultiver la flore intestinale la plus diversifiée et la plus robuste? Et quels régimes alimentaires n’arriveront pas à vous donner un profil bactérien avantageux?
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des modifications du microbiote intestinal auxquelles donnent lieu divers régimes alimentaires. Nul besoin de connaître à fond les bactéries mentionnées ci-dessous pour reconnaître la principale caractéristique d’un intestin en santé – la diversité.
Espèces croissantes | Espèces décroissantes | Diversité | |
Régime alimentaire occidental | Bactéroïdes | Bifidobactéries | Moindre |
Régime alimentaire méditerranéen |
Bifidobactéries
Lactobacilles Prevotella |
Accrue |
|
Régime alimentaire végétarien |
Bifidobactéries
Lactobacilles Prevotella |
Bactéroïdes |
Accrue |
Le régime alimentaire occidental
À forte teneur en gras saturés et en sucre, ce type de régime alimentaire se compose souvent d’aliments transformés. Le régime alimentaire occidental moderne comporte peu de fruits et légumes diversifiés, d’où sa faible teneur en fibres. Comme nous l’avons expliqué plus haut, les fibres constituent la nourriture du microbiote intestinal, d’où l’appellation souvent utilisée de « prébiotiques ». Les fibres nourrissent les bactéries qui, à leur tour, aident à vous nourrir.
Sans fibres, un nombre plus restreint d’espèces de flore intestinale peuvent se développer. Par conséquent, la diversité microbienne est moindre que celle des régimes alimentaires riches en fibres provenant des fruits, légumes et grains entiers. Une diversité microbienne décroissante entraîne un affaiblissement de la résilience intestinale, ce qui laisse présager des problèmes de santé.
Le régime alimentaire méditerranéen
De son côté, le régime alimentaire méditerranéen est reconnu pour sa diversité bénéfique qui comprend :
- Divers fruits et légumes
- Légumineuses et grains entiers
- Une généreuse quantité de gras bénéfiques, comme l’huile d’olive
- Un apport minimal de protéines de source animale
Grâce à ce mélange, ce régime alimentaire est riche en fibres – ou matériel prébiotique – dont le microbiote intestinal ne saurait se passer. De toute évidence, le régime alimentaire méditerranéen favorise la diversité microbienne. Une analyse des changements microbiens induits par l’alimentation ne faisait état d’aucune baisse du nombre des espèces chez les adeptes du régime alimentaire méditerranéen. Par ailleurs, les chercheurs ont observé une légère hausse d’au moins trois espèces.
Encore des doutes? Une étude s’est penchée sur un groupe de participants italiens qui suivaient le régime alimentaire méditerranéen. Pendant trois semaines, les participants ont fourni chacun trois échantillons qui ont été mis en commun et analysés pour leur contenu microbien intestinal. Les chercheurs ont remarqué une flore intestinale plus diversifiée chez les sujets qui s’en sont tenus rigoureusement au régime. Ils ont observé plus précisément une quantité accrue de bactéries prevotella chez les adeptes d’une alimentation végétale (sans protéines de source animale).
Le régime végétarien
Comme chez les adeptes du régime alimentaire méditerranéen, on note aussi une quantité plus élevée des mêmes bactéries chez les végétariens. Et grâce à la teneur en fibres de source végétale, la diversité de leur microbiote est aussi légèrement accrue.
On constate aussi une baisse notable de l’espèce des bactéroïdes – une tendance contraire à celle observée dans le régime alimentaire occidental. Cette différence tient surtout à la consommation de protéines de source animale. Les bactéroïdes ne sont pas nocifs comme tels et leur rapport avec le tube digestif peut même être bénéfique, à la condition qu’ils ne s’échappent pas de ce milieu par la paroi intestinale, ce qui peut causer des problèmes.
Vous (et votre microbiote intestinal) êtes ce que vous mangez
Il reste encore beaucoup d’autres recherches à faire sur le microbiome intestinal et ses complexités, mais on peut déjà faire des constats très clairs.
Tout d’abord, il y a un lien inhérent entre la santé intestinale et l’état de santé général de chacun. Une des principales raisons : la flore intestinale aide à la digestion des aliments et nourrit l’organisme. Elle contribue aussi à envoyer divers messages au cerveau, comme les sensations de faim ou de satiété, et elle participe à la préservation d’une bonne immunité.
En second lieu, il importe de diversifier votre microbiote intestinal. Et pour y parvenir, pas besoin de changer du tout au tout votre régime alimentaire. Il suffit pour commencer d’y intégrer une quantité accrue de fibres.
Vous disposez d’une foule de moyens simples pour y arriver. En voici quelques-uns :
- Apportez de petits changements faciles à mettre à exécution. Remplacez les flocons d’avoine par du gruau ou optez pour des pâtes de blé entier al dente plutôt que trop cuites. En consommant des grains entiers qui se digèrent moins vite, vous donnez à votre microbiote une quantité accrue de fibres à mastiquer.
- Substituez des fruits et légumes à un casse-croûte transformé. Et pour ajouter une note de variété, savourez une pomme ou une carotte avec votre beurre de noix préféré. Votre salade sera aussi plus appétissante avec des fraises fraîches.
- Évitez d’enlever les pelures. Les pelures des fruits et légumes peuvent renfermer une bonne quantité de fibres et de nutriments. En les pelant, vous privez votre microbiote de leur teneur nutritive.
- Voyez les grains d’un tout autre œil. Vous n’êtes pas seul à aimer le pain blanc et autres grains. Pourtant, une bonne façon d’amorcer le changement consiste à leur substituer à l’occasion une portion d’aliments à grains entiers : pain multigrains, pâtes de grains entiers, ou tout simplement des grains (boulghour, quinoa, farro ou riz brun). Cette nouveauté dans votre alimentation sera en outre bénéfique pour votre tube digestif.
Enfin, pensez à jeter un peu de lest sur l’usage du savon antibactérien et les pratiques connexes. Il est sans doute bon de garder les pathogènes à l’écart de la maison et de votre organisme, mais la propreté excessive n’est pas souhaitable. Il n’est pas toujours nécessaire de vous laver les mains après avoir flatté le chien, ni de prendre un antibiotique sans d’abord vous assurer que vous en avez besoin. Comme le rhume est causé par un virus, un antibiotique ne sera en rien bénéfique.
L’état (et la diversité) du microbiote intestinal est relativement stable à l’âge adulte, mais il risque d’être compromis par la prise d’un antibiotique qui peut détruire autant les bonnes que les mauvaises bactéries. Par analogie, c’est commesi on privait d’un seul coup un jardin de tous ses éléments, sa richesse et ses nutriments biologiques. Ce terreau microbien fertile devra alors être reconstitué. Une étude indique que le retour du microbiote intestinal à son état diversifié normal peut prendre jusqu’à quatre semaines.
Maintenant que vous connaissez mieux votre microbiote, vous pouvez en toute confiance devenir le maître jardinier de votre tube digestif. Que votre terreau se trouve ou non à l’endroit voulu, vous avez maintenant le savoir et les outils pour apporter des changements et jardiner votre microbiote intestinal de façon à en tirer les plus grands bienfaits pour votre santé.
À propos de l’auteure
Jenna Templeton est une éducatrice en santé et une rédactrice scientifique indépendante qui vit à Salt Lake City au Utah. Après avoir obtenu un baccalauréat en chimie à la Virginia Tech, Jenna a passé cinq ans à faire de la recherche scientifique dans l’industrie alimentaire. Ce travail a nourri son intérêt pour le mieux-être personnel, ce qui l’a amenée à obtenir un diplôme d’études supérieures en santé, promotion et éducation de l’University of Utah. Dans ses loisirs, Jenna aime les concerts, le jardinage, la bonne chère et les randonnées dans les monts Wasatch.
Références
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3427212/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2937523/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6351938/
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780128039687000241
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5385025/
https://gut.bmj.com/content/65/11/1812.full