Vous, moi et tout le reste : voyage au cœur de l’anatomie cellulaire

Nous sommes en 1665. En Inde, la construction du Taj Mahal s’est terminée 12 ans plus tôt. Dans un peu plus d’un an, Isaac Newton installé sous un arbre observera la chute d’une pomme, ce qui lui donnera une idée. Et puis, quelque part à Londres, l’architecte et philosophe de la nature Robert Hooke place une fine tranche de liège dans le porte-objet d’un microscope. En regardant par l’oculaire, il voit une structure étrange.

« Je pouvais percevoir très clairement que [le liège] était perforé et poreux, telle une structure alvéolaire, mais dont les pores n’étaient pas de formes régulières, écrit-il. Ces pores, ou cellules… étaient en effet les premiers pores microscopiques que j’eus observés, peut-être même que quiconque eut observés, car je n’avais encore jamais rencontré d’auteur ou de personne en ayant fait mention avant cet événement. »

Hooke avait découvert la cellule… végétale, pour être plus précis. En fait, il invente le terme en écrivant qu’elles lui rappellent les cellules qu’occupaient les moines chrétiens d’un monastère qu’il avait visité. Malheureusement, les cellules qu’il a observées sont mortes et son microscope n’est pas assez puissant pour voir à l’intérieur de la cellule. Ce n’est que 13 ans plus tard que quelqu’un arrivera à observer une cellule vivante de près.

En utilisant un microscope plus puissant qu’il a lui-même conçu, le commerçant et savant néerlandais Antoni van Leeuwenhoek est le premier à observer des bactéries et des protozoaires, ces organismes unicellulaires qu’il nomme animalcules, ce qui signifie en latin « petits animaux ».

Disparu depuis longtemps maintenant, Hooke est enterré quelque part dans le City of London Cemetery, mais c’est lui qui a fait les premiers pas vers ce qu’on appelle maintenant la théorie cellulaire fondée sur la compréhension que tous les organismes vivants sont composés d’une ou de plusieurs cellules.

Les cellules sont les unités structurelles et fonctionnelles de base de tous les organismes vivants. Toutes les cellules ayant existé sont issues d’autres cellules qui existaient déjà et qui se sont divisées, et divisées, et divisées encore et encore pour en arriver aux 37,2 mille milliards de cellules qui composent l’organisme.

Les deux types de cellules

Il existe deux principaux types de cellules – les procaryotes et les eucaryotes.

Les procaryotes n’ont pas de noyau. Les « petits animaux » observés par Leeuwenhoek étaient des cellules procaryotes. Les bactéries ainsi qu’une autre famille de cellules – les archées – sont des procaryotes.

Les cellules qui composent les plantes et les animaux sont appelées les eucaryotes. Ce type comprend des êtres unicellulaires et multicellulaires.

La cellule, de plus près

Qu’est-ce qui entre dans la composition des cellules d’un animal eucaryote? Si vous pouviez rapetisser au point d’atteindre la taille d’une cellule ou une taille plus petite encore, que verriez-vous?

Imaginez que vous rétrécissez de plus en plus. Le monde autour de vous devient de plus en plus grand et de plus en plus flou. À mesure que vous rapetissez, vous vous concentrez sur un groupe de structures, comme les petites cages observées par Hooke, il y a bien longtemps.

Vous arrivez bientôt à une cellule en particulier. Il faut savoir que certaines cellules présentent une surface externe plus complexe que d’autres et ont des accessoires que d’autres n’ont pas, les microvillosités, par exemple.

Les microvillosités s’étendent comme des doigts à partir de la surface de la cellule et jouent un rôle important dans l’absorption des nutriments. Elles augmentent aussi considérablement la surface de contact de la cellule sans modifier sa taille globale. Des cils s’étendent encore plus loin que les microvillosités et peuvent faire circuler différentes substances le long de la surface de la cellule.

On peut également retrouver le flagelle, une structure mince ressemblant à une queue, qui est en mesure de propulser toute la cellule pour lui permettre de nager!

La membrane plasmique

Toutes les cellules dépendent de l’indispensable membrane plasmique. Telle une barrière, celle-ci maintient l’intégrité du contenu de la cellule tout en laissant passer les aliments et les nutriments.

La membrane plasmique se compose d’une double couche d’acides gras qu’on appelle les phospholipides. Ces acides gras sont formés d’une tête et d’une queue. La tête est hydrophile, ce qui signifie qu’elle attire l’eau. La queue, pour sa part, est hydrophobe, c’est-à-dire qu’elle repousse l’eau. C’est cette combinaison de tête et de queue qui permet la structure et la fonction de la membrane.

À mesure que vous rapetissez, vous passez à travers la membrane plasmique et voyagez vers l’intérieur de la cellule. Vous pouvez apercevoir brièvement la bicouche de phospholipides, telle une fermeture éclair qui serait maintenue en place par les liaisons chimiques entre les queues hydrophobes.

Le cytoplasme et le cytosquelette

À votre arrivée à l’intérieur de la cellule, vous vous retrouvez dans un liquide appelé cytoplasme. Il contient une substance riche en acides aminés et en potassium, le cytosol. On appelle également cette solution le liquide intracellulaire.

Vous pouvez aussi distinguer un réseau de ce qui semble être des toiles ou des échafaudages. Il s’agit du cytosquelette qui procure un soutien structurel à la cellule et permet la circulation des différents éléments à l’intérieur de celle-ci. Le cytosquelette se compose de trois types de fibres protéiques : les microfilaments, les filaments intermédiaires et les microtubules.

Les microfilaments, les plus petits des trois types, sont composés de brins de protéines enroulés qui peuvent se resserrer sur eux-mêmes afin de raccourcir la cellule. Ce phénomène se produit souvent dans les cellules musculaires où il contribue à leur contraction.

Les filaments intermédiaires sont des brins de protéines enroulés qui servent principalement à fournir une structure à la cellule et à la maintenir ensemble.

En forme de spirale, les microtubules s’assemblent de manière à former un cylindre creux qui aide au maintien de la forme de la cellule et favorise la circulation des organites (les différentes parties de la cellule) à l’intérieur de la cellule.

Ils forment ce qu’on appelle le centrosome dont les structures – les centrioles – organisent les microtubules et fournissent un soutien additionnel à la cellule, tout en participant au processus de la séparation pendant la division cellulaire.

Entre le cytoplasme et le cytosquelette, vous pouvez observer le principal soutien structurel de la cellule. Vous voyez aussi de nombreuses structures à l’aspect étrange : ce sont les organites, ces parties importantes de la cellule remplissant chacune des fonctions précises.

Le réticulum endoplasmique

Les premières structures que vous pouvez voir ressemblent à des assemblages de plusieurs cavernes longues et étroites. Ce sont les réticulums endoplasmiques (RE). Il y en a deux types.

Le premier est le réticulum endoplasmique rugueux qui s’étend à partir du noyau. Les ribosomes attachés à l’extérieur de sa membrane lui confèrent cette apparence rugueuse. Ces ribosomes produisent ce qu’on appelle des chaînes polypeptidiques. Il s’agit là d’une manière élégante de parler des protéines. Les protéines créées par les ribosomes sont libérées dans le RE, où elles sont traitées et préparées avant d’être relâchées dans la cellule. Lors de leur libération, les protéines voyagent dans une vésicule de transport, un sac qui se forme à partir de la membrane du RE.

Il est important de préciser que les ribosomes ne sont pas des organites. Ils jouent toutefois un rôle vital dans la cellule, car ce sont des usines de fabrication de protéines. Soit ils flottent dans le cytosol, en route vers un autre endroit de la cellule, soit ils sont attachés au RE rugueux. Les ribosomes comprennent deux sous-unités, une petite et une grande. La petite sous-unité effectue la lecture de l’acide ribonucléique (ARN) qui contient les instructions pour l’organisation des acides aminés en chaînes polypeptidiques, tandis que la grande sous-unité se charge de l’assemblage des chaînes polypeptidiques.

Ensuite, vous pouvez voir le RE lisse. Il s’agit d’un autre organite doté d’une membrane mais dénué de ribosome, c’est pourquoi on le qualifie de « lisse ». Le RE lisse contient des enzymes qui modifient les polypeptides, produisent des lipides et des glucides et détruisent les toxines. La majeure partie des lipides et du cholestérol qui composent les membranes cellulaires sont produits dans le RE lisse.

L’appareil de Golgi

En regardant ailleurs, vous tombez sur l’appareil de Golgi. Remportant sans contredit la palme du meilleur nom parmi les organites, l’appareil de Golgi est un autre organite doté d’une membrane qui modifie, emballe et entrepose des protéines.

Cet organite ressemble à un groupe de citernes qui sont de plus en plus grosses à partir du centre. Les vésicules de transport lui apportent des protéines en provenance du RE. Les protéines sont transformées à mesure qu’elles voyagent à travers l’appareil de Golgi. Différents enzymes ajoutent ou réarrangent certaines molécules. Parfois, des glucides sont ajoutés pour former ce qu’on appelle des glycoprotéines.

Une fois arrivées à la dernière citerne, les protéines sont confinées dans différentes vésicules, les vésicules de sécrétion. La majorité de ces protéines se dirigent vers la membrane plasmique. Elles sont soit intégrées à la membrane, soit libérées à l’extérieur de la cellule.

Les lysosomes

L’appareil de Golgi est essentiel à la production de lysosomes, ces vésicules qui se détachent de sa membrane pour servir de camions à ordures de la cellule. Les lysosomes sont constitués d’une membrane renfermant des enzymes digestives qui ramassent les déchets cellulaires ou les organites défectueux afin de les recycler ou les convertir en déchets. Ils jouent également un rôle important dans la protection de la cellule contre les bactéries et les virus.

Les protéasomes

Après avoir parcouru l’appareil de Golgi, vous arrivez aux protéasomes. Ces organites qui se retrouvent un peu partout dans le cytoplasme participent à la gestion des protéines présentes dans la cellule. Les protéasomes décomposent les protéines anormales ou mal repliées ou encore celles dont la cellule n’a plus besoin.

Une autre protéine, l’ubiquitine, est placée sur les protéines à titre d’indicateur lorsqu’elles doivent être recyclées par les enzymes présentes dans le cytoplasme. Les protéines ciblées sont alors attirées à l’intérieur des protéasomes et décomposées par un processus appelé la protéolyse. Les liaisons peptidiques sont brisées au cours de ce processus et les chaînes peptidiques qui en résultent sont ensuite libérées dans la cellule où elles seront recyclées.

Les peroxysomes

Un peu plus loin, vous rencontrez d’autres structures étranges appelées peroxysomes. Techniquement, ce ne sont ni des organites ni des enzymes. La meilleure façon de les décrire serait de dire que ce sont des complexes protéiques.

Dotés de membranes et se détachant eux aussi du RE, les peroxysomes se chargent de la décomposition des acides gras à longue chaîne et des acides aminés, processus au cours duquel ils peuvent produire du peroxyde d’hydrogène. Ce sous-produit représente un danger pour la cellule, car il est susceptible de réagir avec de nombreuses substances. Pour cette raison, les peroxysomes transportent également une enzyme qui convertit le peroxyde en eau et en oxygène. C’est ce qu’on appelle nettoyer derrière soi!

Les mitochondries

Après avoir exploré les peroxysomes, vous apercevez des organites qui ont une forme de fève, les mitochondries. Ce sont les centrales énergétiques très efficaces de la cellule. Elles convertissent les particules des aliments qui arrivent dans la cellule en une molécule, l’adénosine triphosphate ou ATP. Cette molécule est la « monnaie » de la cellule. L’ATP est en mesure de stocker l’énergie et de la transférer à d’autres parties de la cellule.

Les mitochondries ont une membrane interne et une membrane externe. Leur nombre varie d’une cellule à l’autre. De manière générale, plus une cellule est active, plus elle contient un nombre élevé de mitochondries. Par exemple, les cellules du foie contiennent des milliers de mitochondries. L’activité physique aérobique peut vraiment faire augmenter le nombre de mitochondries dans les cellules musculaires. Il n’est donc pas surprenant qu’on ait plus d’énergie lorsqu’on fait régulièrement de l’exercice.

Le noyau

Vous arrivez finalement au noyau, la plus grosse structure de la cellule. Le noyau a deux membranes qui, ensemble, forment l’enveloppe nucléaire.

Cette enveloppe, dont la membrane est parsemée de petits pores à sa surface, renferme le nucléoplasme. L’enveloppe nucléaire agit comme un mur tandis que les pores tiennent lieu de portails laissant certaines molécules entrer dans la cellule et en sortir. Semblable au cytoplasme de la cellule, le nucléoplasme est une substance sirupeuse dans laquelle sont suspendues les structures qui se trouvent à l’intérieur de la membrane nucléaire.

Le nucléole, qui est constitué d’acide désoxyribonucléique (ADN), d’ARN et de protéines, est suspendu dans le nucléoplasme. Le nucléole est le lieu de naissance des ribosomes qui, rappelons-le, fabriquent des protéines essentielles au fonctionnement des cellules saines.

Comme vous rapetissez encore, vous commencez à pouvoir distinguer la structure à doubles hélices entrelacées de l’ADN de la cellule. Vous étendez le bras pour y toucher, vous êtes de plus en plus petit, de plus en plus près. Puis finalement, vous établissez le contact. Dans un éclair, vous retournez à votre taille initiale, incertain d’avoir atteint votre but.

Quelque part dans le City of London Cemetery, les premiers rayons de lumière d’une nouvelle journée touchent un brin d’herbe fraîchement germé. Les cellules formant la graine de ce brin, enrichies par la bonne terre et le soleil, se sont divisées encore et encore jusqu’à ce qu’une petite pousse se déploie dans l’air vivifiant du matin.