Réduire au minimum les distractions pour maximiser le temps de qualité passé en famille

Vous roulez sur l’autoroute en pilotage automatique, avec un minimum d’attention, lorsqu’un coup de klaxon soudain vous évite de justesse une embardée. Vous ouvrez grand les yeux et vous agrippez le volant tandis que votre cou se raidit. Heureusement, un autre conducteur vient de vous ramener à la réalité en klaxonnant.

Que vous soyez au volant ou sur la siège du passager, cette situation a de quoi faire frémir, mais elle n’est que trop courante.

L’apprentissage de la conduite automobile comporte son lot de conseils de sécurité et d’habitudes à prendre, mais le précepte le plus sage est sans doute de restreindre ou d’éviter totalement les distractions.

Et les conseils qui touchent le comportement sur la route s’appliquent aussi au foyer. Tout comme il peut être dangereux de manipuler les commandes du tableau de bord ou de la radio en conduisant, il peut être aussi dommageable de se laisser distraire en passant du temps de qualité en famille. Au lieu d’avoir des échanges enrichissants, on risque un carambolage.

Le temps de qualité consacré aux échanges avec la famille et les proches est fort agréable, mais ces rapports personnels risquent d’être compromis en raison de l’importance grandissante que l’on accorde aujourd’hui à l’interaction constante avec les appareils électroniques. À défaut de prendre consciemment vos distances par rapport aux écrans, vous risquez de mettre en péril vos liens familiaux et autres.

Avant d’aborder le rôle de la technologie dans les dérapages, examinons de plus près les rapports familiaux et le temps de qualité qu’il faut leur consacrer pour les préserver.

Le temps de qualité en famille : prendre soin des liens avec vos proches

Lorsque chacun est tout entier présent et donne toute son attention aux autres, on obtient du temps de qualité en famille. Pour poursuivre dans l’analogie de la conduite automobile, c’est le temps de qualité en famille qui assure à tous un parcours agréable et sécuritaire.

Par contre, avec nos horaires chargés et l’omniprésence de la technologie, ce parcours risque d’être tortueux, en particulier lors qu’il est entravé à la fois par l’affairement et la distraction. Concentrons donc d’abord notre attention sur la variable du temps.

Vous avez sans doute de la famille ou des amis intimes dont vous voulez vous rapprocher, mais ces efforts risquent d’être entravés par les conflits d’horaires et les moments de loisir de plus en plus restreints. Il se peut que les parents et partenaires aient des horaires de travail bien remplis. Et si vous avez des enfants, ils sont sans doute accaparés par leurs études, leurs activités parascolaires, leurs passe-temps et les amis. Il peut être difficile de trouver un point de rencontre entre votre propre emploi du temps et celui de vos proches.

La bonne nouvelle? Malgré nos horaires surchargés, il est possible de tirer le maximum des temps libres que nous avons.

Certains chercheurs font valoir que ce n’est pas tant la quantité de temps passée avec les amis et la famille qui importe, mais bien sa qualité. C’est donc dire qu’une heure de qualité passée en compagnie d’un proche a plus d’impact que plusieurs heures sans échange véritable.

Songez à lire un livre et à en discuter avec un membre de la famille, pendant une heure seulement. Aussi court que cela vous paraisse, c’est efficace. Tout comme si vous preniez un train grande vitesse, vous aurez ainsi un parcours agréable et en douceur, sans les embouteillages, feux de circulation et distractions de la route.

Une activité comme celle-là aura plus d’impact qu’une rencontre passive à regarder ensemble un film en silence sur une durée plus longue, mais sans échange véritable. Au lieu d’une randonnée plus courte et en douceur, le parcours se prolonge sur une route cahoteuse. Vous êtes en compagnie d’un proche, mais la randonnée risque d’être éprouvante pour tous les passagers.

La destination est la même dans les deux cas : passer du temps en famille, mais le chemin qui y mène peut prendre plusieurs aspects. Il vaut la peine de planifier le parcours, et vos liens se resserreront grâce aux efforts que vous y aurez mis.

Quelques conseils pour passer plus de temps de qualité en famille

Vous voilà prêt à monter à bord du train où vous attend le temps de qualité, mais sans savoir par où commencer. En fait, il n’y a pas de recette éprouvée pour le faire. Il faut faire appel à votre créativité. Le temps de qualité passé en famille ne doit pas nécessairement être sérieux ou compliqué. Des activités toutes simples et des moments de rattrapage peuvent suffire.

Voici quelques idées de départ :

  • Dans le cours d’une conversation, faites de l’écoute active. Plus que le simple fait d’entendre, il s’agit d’établir un contact visuel, de faire appel au langage corporel ainsi qu’à la réflexion. Par le contact visuel, vous signifiez votre présence à votre interlocuteur. Vous lui montrez votre volonté de participer à l’échange. Il peut suffire pour cela de vous approcher de lui, de faire un mouvement en sa direction ou de garder vos bras détendus plutôt que croisés. Enfin, utilisez la technique de la réflexion dans vos réponses. C’est aussi simple que de paraphraser ce que vous venez d’entendre. Vous montrez ainsi à votre interlocuteur que vous l’avez entendu et compris. Vos rapports pourront ainsi s’approfondir et le dialogue s’engagera plus à fond.
  • Dressez ensemble une liste d’écoute en vue de partager une expérience musicale. L’idée peut être particulièrement amusante si les deux participants ont une grande différence d’âge. En franchissant la barrière culturelle, on apprend à mieux connaître et comprendre l’autre.
  • Créez vos propres traditions familiales. Vous pouvez réserver du temps chaque semaine ou chaque mois pour le consacrer à une activité familiale que vous pratiquerez régulièrement. Il pourra s’agir de jeux de société, de soirées de compétition culinaire, de visites au musée ou de sorties en famille pour une randonnée pédestre ou à vélo.
  • Travaillez en équipe. Attribuez une tâche à chaque membre de la famille (les parents compris) pour que chacun mette l’épaule à la roue. Vous développerez ainsi chez chacun un sens des responsabilités et un sentiment de fierté.
  • Prévoyez du temps seul à seul avec chaque enfant ou membre de la famille. Le fil de la conversation est plus facile à suivre lorsque les voix sont moins nombreuses. Veillez aussi à mettre à l’écart les téléphones et appareils afin d’enrichir les échanges. En vous intéressant à ce votre enfant a à dire, vous renforcez sa confiance et lui montrez que son bien-être vous tient à cœur. Il sera ainsi plus porté à se tourner vers vous dans les moments difficiles, lorsqu’il aura besoin de soutien.

L’incidence de la technologie sur le temps de qualité en famille

Parlons maintenant des distractions, c’est-à-dire ce qui détourne nos yeux et notre attention de la route, mettant en danger tous les passagers dans la voiture avec le conducteur. Ou encore, dans le milieu familial, lorsque ces distractions  dissipent votre présence et détachent l’attention que vous portez à vos êtres chers, avec pour résultat une dégradation possible de vos relations.

De nos jours, la plupart des distractions sont liées à la technologie : téléphones, blocs-notes, téléviseurs, etc. Aussi utiles et divertissants que soient ces appareils, ils peuvent comporter d’importants aspects négatifs.

Le temps passé devant un écran détourne votre attention de la conversation ou de l’activité en cours. Disons que vous jetez un simple coup d’œil à votre cellulaire pendant une conversation, mais que vous le faites à répétition. Pendant ces brefs instants,  vous laissez s’échapper d’importants aspects de l’écoute active dont il a été question plus haut : le contact visuel et le langage corporel.

Il importe aussi de comprendre les conséquences que peut avoir une utilisation constante de la technologie pour les usagers. Il y a d’abondantes recherches sur le sujet.

Une étude comportant un vaste échantillon randomisé de données (plus de 40 000 répondants) a été consacrée à l’interaction qu’avaient de jeunes enfants et des adolescents (sujets âgés entre 2 et 17 ans) avec les écrans (cellulaires, ordinateurs, jeux électroniques, etc.). Ils ont aussi étudié les effets de la technologie sur le bien-être psychologique des répondants.

Les chercheurs ont conclu qu’une heure par jour passée devant un écran ne posait aucun problème. En fait, cette présence d’une heure devant un écran semblait atteindre un juste équilibre. Les utilisateurs qui passaient environ une heure par jour devant un écran ressentaient le même degré de bien-être que ceux qui n’utilisaient aucun écran. Autrement dit, une utilisation minimale ne constitue guère une distraction majeure. On peut plutôt faire une analogie entre cette utilisation minimale et les petits réglages qu’il faut faire sur le tableau de bord d’une voiture (par exemple, la climatisation ou le volume de la radio) pour rendre le parcours plus agréable.

La dégradation du bien-être psychologique n’était observée qu’après une durée de visionnement d’une heure. Après plus d’une heure par jour, les répondants disaient ressentir moins de curiosité, plus de distraction et moins de stabilité émotionnelle. Ils indiquaient aussi avoir de la difficulté à se faire de nouveaux amis.

Parmi le groupe des 14 à 17 ans en particulier, les grands utilisateurs (plus de sept heures par jour de temps d’écran) étaient deux fois plus susceptibles d’avoir  reçu un diagnostic de dépression ou d’anxiété au cours de l’année précédente. Pour reprendre l’analogie de la voiture, ce genre de distraction de longue durée entraînerait une conduite hypertendue, ou même un accident.

Replacez maintenant ces adolescents dans un contexte familial. S’ils sont aux prises avec une anxiété ou une dépression causée par la technologie, les possibilités qu’ils aient une présence entière dans le milieu familial pour y passer du temps de qualité se trouvent compromises. Et si les autres membres de la famille se tournent aussi vers leurs écrans, le réseau de soutien nécessaire aux adolescents est absent au moment où ils en ont le plus besoin.

L’utilisation que font les adultes de la technologie mérite aussi d’être passée sous la loupe. Comme le fait observer la journaliste Erika Christakis,  « Nous devrions nous inquiéter encore plus des adultes qui ont une dépendance technologique que des jeunes enfants obsédés par leurs écrans. » Au fil des ans, les parents en sont venus à passer plus de temps en compagnie de leurs enfants. En revanche, comme nous l’avons vu plus haut, ce n’est pas nécessairement du temps de qualité.

C’est à la chercheuse Linda Stone que l’on doit l’expression « attention partielle continue » (APC), qui décrit bien l’effet de la technologie à la fois sur l’attention des parents et celle des enfants. Selon elle, ce mode de  fonctionnement permet à chacun de toujours rester « branché » – constamment disponible et accessible.

Si ce comportement peut avoir ses bons côtés dans certaines situations (rester attentif et conscient), il peut aussi avoir des effets néfastes. En restant toujours « branché », on risque d’éprouver un degré élevé de stress et d’anxiété, ce qui peut entraîner un sentiment  d’accablement et de surstimulation. Dans pareil état, il peut devenir difficile d’avoir des rapports enrichissants avec ses proches et sa famille.

Dans cette optique, qu’est-ce qui peut contrer les effets dommageables d’un temps d’écran illimité? David Rock, auteur de l’ouvrage  « Your Brain at Work » (Votre cerveau au travail), conseille de prendre du recul par rapport à la technologie en débranchant totalement. Selon lui, on peut arriver ainsi à améliorer sa concentration. Une étude établit un lien entre une surveillance constante des appareils (pour vérifier les courriels, les fils de nouvelles sur les réseaux sociaux et les messages textes) et des niveaux élevés de stress. En vous séparant de vos appareils et en débranchant, vous pourriez arriver à abaisser vos niveaux de stress. Et en étant moins stressé, vous serez plus enclin à cultiver le temps de qualité en famille.

Retrouver la famille et le bien-être général

À quoi tient l’importance de tout ce qui précède? Des recherches montrent que les rapports familiaux exercent une forte influence sur le bien-être de chaque membre de la famille tout au long de sa vie. L’inverse est aussi vrai. Dans un environnement familial toxique, le bien-être de chaque membre de la famille subit des effets négatifs. Si, au contraire, les liens familiaux sont solides et constructifs, chacun ressentira un regain de bien-être.

S’il en est ainsi, c’est que la famille joue un rôle de premier plan dans la santé sociale et offre des ressources à chacun de ses membres. La famille et les proches agissent comme une plaque tournante du mieux-être. Ils peuvent offrir un soutien affectif, apporter une aide physique au besoin ou recommander d’autres aidants. Cette aide peut également prendre la forme d’un appui dans les moments difficiles de la vie ou d’un encouragement à adopter des comportements plus sains. En l’absence d’un réseau familial, on risque de voir s’amenuiser les ressources auxquelles on a accès.

Reprenons une dernière fois la métaphore de la conduite automobile. Vous êtes au volant et vous voulez vous rendre à destination en toute sécurité. Le meilleur moyen d’y arriver, c’est de boucler votre ceinture et de limiter les distractions. On peut faire un rapprochement entre des rapports familiaux constructifs et la ceinture de sécurité : c’est un gage de santé sociale, émotionnelle et physique. Et en limitant les distractions – temps d’écran et autres éléments technologiques – vous pourrez vous concentrer sur votre parcours : la recherche d’un temps de qualité en famille afin d’assurer un soutien quotidien aux membres de votre famille.

À propos de l’auteure

Jenna Templeton est une éducatrice en santé et une rédactrice scientifique indépendante qui vit à Salt Lake City au Utah. Après avoir obtenu un baccalauréat en chimie à la Virginia Tech, Jenna a passé cinq ans à faire de la recherche scientifique dans l’industrie alimentaire. Ce travail a nourri son intérêt pour le mieux-être personnel, ce qui l’a amenée à obtenir un diplôme d’études supérieures en santé, promotion et éducation de l’University of Utah. Dans ses loisirs, Jenna aime les concerts, le jardinage, la bonne chère et les randonnées dans les monts Wasatch.